Je commence toutes mes interviews en demandant à mon interlocuteur de se présenter en quelques phrases. Si les Head of Sales n’ont aucun problème à se présenter, ils ont en général plus de mal avec « en quelques phrases ». Sofiane de chez Popchef, est le premier à avoir eu cette efficacité. En trois phrases, je savais qui il était, ce qu’il faisait, et comment il en était arrivé là. Interview.
Sofiane Dellapina, 33 ans, est Head of Sales chez Popchef depuis 3 mois. Simple. Il est autodidacte, n’est titulaire que d’un BTS force de vente et est devenu Biz Dev très jeune grâce à son esprit de compétition. Efficace. Petit à petit, il est passé de sociétés en sociétés et a gravi les échelons pour devenir Head of Sales. Carré.
Une présentation simple, sobre, efficace. Pourtant, Sofiane est plus qu’un parcours atypique. Comme beaucoup de jeunes, son rêve était d’être footballeur. Un rêve de gosse peut-être mais un rêve qui l’a amené au centre de formation du Paris Saint Germain. S’il a abandonné le ballon, Sofiane a gardé l’esprit du collectif et de la compétition. Pour notre Head of Sales, son métier, c’est comme le football. Un Biz Dev a besoin de s’entraîner, de répétition de ses gammes et d’être en constante remise en question. Comme Antoine Griezmann qui chaque jour frappe au but, un Biz Dev doit chaque jour être en contact avec des clients, s’entraîner à convaincre. Ce rapprochement va jusque dans le travail d’équipe. Lorsqu’une équipe de foot gagne, tout le monde est concerné, même les attaquants aident les défenseurs. Pareil pour les Biz Devs qui travaillent avec la communication, le marketing et les opérations.
Sofiane, c’est aussi le nouveau leader de la vente chez Popchef. Le supérieur hiérarchique oui, mais pas celui qui donne des ordres et ne veut rien entendre. Sofiane est un point de repère. Un mentor que l’on peut aller voir en cas de problèmes, qui fixe les limites certes, mais toujours en adéquation avec les demandes de son équipe. Et comment oublier Popchef. La startup « que personne ne voit arriver », qui veut bousculer le marché du déjeuner d’entreprise. Sofiane le sait, le défi est de taille, mais le challenge est excitant. Quoi de mieux pour un compétiteur né ?
Chope Ton Biz Dev: Salut Sofiane, merci de m’accueillir dans tes locaux. Tout d’abord, pourrais-tu me parler de Popchef ?
Sofiane Dellapina : Une société créée par 2 amis d’enfance, Briac et François. L’idée était de révolutionner le plateau repas avec des produits frais et locaux, mais surtout en livrant des plats chauds. Il fallait arrêter avec toutes ces salades, rosbifs et saumons. Notre plus gros avantage, c’est qu’on livre chaud, même en last minute. En gros, une entreprise peut nous appeler à 11h et être livrée pour 12h-12h15.
Aujourd’hui, le déjeuner d’entreprise représente un marché de plusieurs millions d’euros en France. Il y a des acteurs qui sont là depuis très longtemps et qui vivent de leurs acquis. Ils n’ont jamais vraiment été bousculés donc ils ne se remettent pas en question. Avec Popchef, on arrive avec une nouvelle offre pour mieux manger avec des produits frais et de qualité.
Bien que tu ne sois arrivé chez Popchef que très récemment, trouves-tu qu’il y a une philosophie de vente Popchef ?
Oui. On garde toujours en tête nos objectifs. On se dit que si on atteint certains chiffres, ça débloquera des primes. Au final, tout le monde travaille en se disant : « Si je fais gagner de l’argent à l’entreprise, moi aussi, je gagne de l’argent ».
Parlons un peu de toi. Comme tu me l’as dit tout à l’heure, tu te dirigeais vers une carrière dans le sport. Qu’est-ce qui t’as finalement amené vers la vente ?
Déjà, quand j’étais plus jeune, ma mère avait des boutiques de vêtements et j’étais toujours impressionné par sa capacité à convaincre les clients d’acheter. Surtout, lorsque j’en voyais qui étaient venu pour acheter un t-shirt et repartaient aussi avec un blouson. Je me disais que c’était un peu de l’hypnose, comme Mesmer ! Je me disais que c’était possible d’avoir une emprise sur les décisions des gens et j’adorais ça. Ensuite cet aspect de compétition que l’on peut créer par la vente m’a beaucoup attiré. Je voulais toujours être le meilleur et ça me permettait de constamment me remettre en question. Et puis en tant que Biz Dev, tu peux vraiment montrer ta valeur ce qui a été crucial pour moi surtout au début.
Tu n’as pas un parcours classique, tu sors d’un BTS force de vente alors que beaucoup de Biz Devs sortent de grandes écoles de commerce. Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui comme toi a un parcours plus atypique et veut se lancer dans la vente ?
Je lui dirais qu’il faut se battre et ne pas voir les gens trop beaux. Ce n’est pas parce qu’une personne sort d’HEC qu’elle est forcément meilleure. Rien empêche d’apprendre, d’être motivé. Quand tu commences en startup, les cartes sont redistribuées et ça se joue beaucoup sur la personnalité et l’envie. Personnellement, quand je recrute quelqu’un, je ne demande pas de lettre de motivation et je regarde très peu le CV. Ce qui compte, c’est la personnalité, la motivation et l’envie d’apprendre. Si ces trois choses sont réunies, que la personne sorte d’HEC ou d’un BTS, elle peut être douée de la même manière et réussir de la même façon.
De plus, c’est vraiment un métier gratifiant. Un Biz Dev participe vraiment à faire rentrer de l’argent dans les caisses de la boîte. Lorsque tu fais ce métier, tu peux véritablement quantifier et valoriser ton action. Ensuite, tu peux te dire que grâce à toi, la boite a gagné 20, 30, 40k et c’est quelque chose que l’on ne retrouve absolument pas dans beaucoup d’autres aspects du Business.
En parlant de conseils, dans ta carrière, entre Head of Sales et Sales Performance Manager, tu as embauché pas mal de monde… Est-ce qu’il y a un conseil que tu donnes à tout nouveaux membres de ton équipe lors de leur premier jour ?
Pour être convaincant faut être convaincu. C’est ma grande phrase.
Avant de rejoindre Popchef il y a 3 mois, tu travaillais dans le e-Commerce, chez Oyst. Ce sont deux entreprises qui travaillent dans des secteurs bien différents. Est-ce que la foodtech était quelque chose qui t’intéressait depuis longtemps ?
Pour être honnête, je ne m’y connaissais pas vraiment en food avant d’arriver et j’ai énormément appris. Ce qui m’a tenté chez Popchef, c’est vraiment l’aventure. Je me disais que c’était vraiment un produit top, qu’on avait la possibilité de remporter une grande part de marché. J’ai été attiré par ce côté challenge plutôt que par le produit en lui-même. J’aime beaucoup l’idée du petit-poucet dans les entreprises et Popchef, c’est un peu l’entreprise qu’on ne voit pas arriver. Aujourd’hui, on a de grands projets, de grandes ambitions sur le marché et j’adore être du côté des outsiders. C’est quelque chose qui me challenge beaucoup dans mon âme de Biz Dev très compétiteur.
Chez Oyst, tu n’occupais pas un poste de Biz Dev classique. Comment est-ce que ton expérience sur quelque chose de différent influence-t-elle tes méthodes aujourd’hui chez Popchef ?
Il est vrai que chez Oyst, j’étais Sales Performance Manager. En gros, s’ils ne vendaient pas bien, c’était à cause de moi. J’ai mis en place des choses là-bas pour améliorer les performances que j’ai pu instaurer ici. Par exemple, un système de compte-rendu de rendez-vous. Après chaque rendez-vous client, les Biz Devs écrivent un compte-rendu, qui est envoyé à toute la boîte. Dans ce mail, ils expliquent tout ce qu’il y a à savoir sur le client et le dossier : les points bloquants, les avancées, etc. C’est quelque chose qui fait vivre toute l’entreprise ; non seulement les Biz Devs, mais aussi le reste des employés essayent de trouver des solutions aux problèmes, que ce soit par leurs réseaux personnels ou autrement.
De plus, j’ai voulu ajouter cet aspect de performance à mon job de Head of Sales, tout en passant par le jeu. J’ai énormément gamifié la vente chez Popchef. Tout est un jeu. On a même des badges avec différents niveaux que l’on passe lorsque l’on fait des ventes. Il y a aussi des challenges avec des cadeaux à la clé. C’est vraiment quelque chose que les Biz Devs apprécient et qui les pousse à travailler encore plus !
Maintenant que tu es désormais bien implanté dans le milieu de la startup et de la vente, as-tu des objectifs en tant Biz Dev ?
J’ai un gros objectif. J’aimerais vraiment monter une école parallèle ou un programme de Biz Dev dans une entreprise. Le but serait d’accueillir 20-30 personnes sur 6 mois ou 1 an. On choisirait des gens qui veulent apprendre le métier ou qui veulent être plus performants. Ça permettrait de sortir des sentiers battus que sont les écoles de commerce et de montrer qu’il y a des moyens de se perfectionner à travers des programmes différents et spécifiques à la vente. Ce serait cool si les élèves sortaient du programme en se disant qu’ils ont vraiment appris des choses qui vont leur servir chaque jour. Je souhaite vraiment montrer que dans la vente, le tout est d’être bien formé. Un peu comme dans le Loup de Wall Street lorsqu’il forme ses amis qui n’y connaissent rien. Ils commencent mécanos ou je ne sais quoi et finissent stars de la vente.
J’aimerais parler un peu de toi en tant que Biz Dev. Comme tout expert de la vente, je suis sûr que tu as un petit grigri. Donne-nous ton secret Sofiane !
2 choses. La première qui est terrible pour moi, je fume deux clopes avant de rentrer en rendez-vous. La deuxième, c’est qu’une heure avant le rendez-vous, pendant 10 minutes, je me replonge dans l’histoire de la boîte. Ensuite, pendant la dernière demi-heure avant, j’essaye de penser totalement à autre chose. Ça parait bête, mais me vider la tête, c’est quelque chose que j’ai toujours fait, quitte à être au téléphone avec un pote pour parler d’un match de foot. Ça me permet de ne pas arriver stressé.
Parmi toutes les ventes que tu as pu réaliser, laquelle considères-tu comme la meilleure ?
Alors c’était quand j’étais jeune Biz Dev et j’adorais la compétition. Je bossais dans une startup dans le milieu médical. J’avais reçu un appel destiné à un de mes collègues. Je vais le voir pour le prévenir et il me dit : « Prends l’appel, ça fait six mois que je suis dessus et je n’y arrive pas, tu réussiras jamais à le signer ». Je lui ai répondu : « Tu paries ? ». J’étais challengé donc je suis retourné à mon bureau avec une envie folle, j’étais à fond.
Je reprends l’appel et très vite, je me rends compte que le deal bloquait à cause d’un transfert de données qui nécessitait énormément de travail de notre côté. C’était ça qui coinçait depuis 6 mois car le client ne voulait pas nous régler en amont. Du coup je lui ai juste dit, « C’est simple Docteur, ce que vous me demandez, c’est que je vous soigne et que vous me payiez seulement lorsque vous êtes guéri. » À partir de là, le client m’a donné son RIB et la vente était faite. C’est sûrement ma meilleure punchline à ce jour et mon collègue était vert !
Et à l’opposé, ton meilleur échec ?
Je n’ai pas d’exemple précis. Par contre, quelque chose que j’ai beaucoup appris est qu’il ne faut jamais se plier en 4 pour quelqu’un. Je l’ai souvent fait plus jeune quand j’avais moins d’expérience. J’acceptais toutes les requêtes de mes clients jusqu’à ce qu’ils soient satisfaits et qu’ils signent avec moi. Ce n’était pas la bonne façon de faire. Il faut poser des limites. Je n’ai jamais signé un bon deal en me pliant en 4. J’ai eu plusieurs échecs là-dessus et grâce à ces revers, j’ai beaucoup remis en question mon approche. Au final, la phrase « le client est roi », ce n’est pas totalement vrai surtout quand tu bosses dans le B2B.
As-tu un entrepreneur qui t’inspire dans ton travail de par ses méthodes de travail ou ses stratégies commerciales ?
Je m’inspire vraiment de tout le monde. Tout le monde a quelque chose à apporter et je prends des choses de tout le monde. Je ne veux pas me mettre de barrière en me disant « lui a fait quelque chose qui a bien fonctionné donc il faut que je fasse la même chose ». Je préfère me dire que je peux apprendre d’un comptable, de quelqu’un qui fait du marketing ou d’un développeur web, que de n’avoir qu’un seul exemple. De plus, je m’inspire beaucoup des enfants. Pour moi, les enfants feraient les meilleurs Biz Devs parce qu’ils sont curieux et posent toujours des questions. Il faut garder notre curiosité enfantine dans la vente.
Au final, comment vois-tu le job de Biz Dev évoluer dans les 10 prochaines années ?
L’avenir, je ne le vois pas différent. Bien que d’autres secteurs comme le marketing vont prendre plus d’importance dans le Biz Dev, je ne pense pas que le rôle du Biz Dev va complètement évoluer. On ne peut pas avancer l’un sans l’autre. Ni les Sales ni le marketing ne peuvent faire les choses seuls. Travailler main dans la main avec le marketing, c’est la meilleure chose à faire.
Dernière question pour toi Sofiane. Chez Chope Ton Biz Dev, on a lancé notre blog en partant du principe que la vente n’est pas très sexy aux yeux du grand public. Selon toi, en quoi la vente est-elle toujours sexy et comment pourrait-on la rendre plus sexy ?
La vente est quelque chose de sexy. Tout d’abord, les efforts fournis dans la vente apportent tout de suite quelque chose à la boite. On n’est pas dans un flou artistique, on peut vraiment quantifier l’impact de son travail. Ensuite, c’est un métier qui permet beaucoup de rencontres exceptionnelles. Dans ma carrière, j’ai eu l’occasion de faire des rendez-vous chez des grands groupes et c’est super sexy de se retrouver dans les plus beaux quartiers et les plus beaux bureaux ! Être avec des gens qui vous montrent les showrooms, des bureaux privés etc. c’est quelque chose auquel l’accès est limité lorsqu’on est comptable, développeur ou banquier. Il y a vraiment un sens du partage et de l’échange dans la vente. Enfin ça reste un métier dans lequel on peut se faire beaucoup d’argent assez rapidement. C’est vraiment une chance que de bosser dans la vente !
Alors là, tu m’épates. Tu es un très bon vendeur de la vente ! Merci à toi pour tes réponses et bonne chance à Popchef !
L’interview Rafale de Sofiane
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Rédacteur : Ethan Craunot